lundi 25 avril 2016
dimanche 10 avril 2016
Spotlight or the power of investigative journalism
"It's very hard to say no to God," explains the victim of a "paedophile" priest, interviewed by a journalist from the Boston Globe as part of the Spotlight investigation team,
which gives the title to Tom McCarthy's film released in US-theatres
this January 27th, 2016 and which can be seen all around the globe.
An impeccable Hollywoodian film that recreates as closely as possible the investigation led by these journalists
on a very sensitive issue: the protection offered for thirty years by
the Cardinal Archbishop of Boston, Bernard Law, to the priests of his
diocese, perpetrators of sexual abuse of children. If in 2003 the Spotlight
journalists obtained the Pulitzer Prize for their investigation, the
film about their feat has won 9 awards to date, starting with the Oscar
for best film, and will certainly obtain others, at the next Cannes
Festival, for instance.
To attack the most vulnerable
Religion and sex, two taboos, which supposedly has nothing to do with
each other. Whenever they meet, the result is explosive. The
"civilized" world, which is so shocked by the primitive barbarism of
"Jihad alnnikah" [gender jihad] of the "Islamic
State" is struggling to confront his own turpitude, such as those
misnamed paedophile priests. Paedophile means "someone who loves
children"; however, those priests who abuse children, boys and girls,
ranging from fondling to rape sometimes followed by murder, do not do it
because they love children, but only because they know they can take
advantage of the weak and vulnerable. These predators are
paedocriminals, period! SNAP [Survivors Network of those Abused by Priests],
the association of victims of abuse by priests, now has over 12,000
members in 56 countries, which gives an idea of the scale of the
phenomenon, which has nothing marginal about it.Read more
Spotlight o il potere del giornalismo investigativo
“È molto difficile dire di no a Dio”, spiega la vittima di un prete “pedofilo” intervistata da una giornalista del Boston Globe che fa parte del team investigativo Spotlight da
cui deriva il titolo del film di Tom Mc Carthy uscito nelle sale dei
cinema il 27 gennaio di quest’anno negli Stati Uniti e che si può vedere
in tutti gli angoli del pianeta.
Un impeccabile film hollywoodiano che ricostruisce il più fedelmente possibile la lunga inchiesta
condotta da questi giornalisti su un tema alquanto sensibile, ovvero la
protezione offerta per tre decenni dal cardinale-arcivescovo di Boston,
Bernard Law, ai preti della sua diocesi colpevoli di abusi sessuali di
bambini. I giornalisti nel 2003 per la loro inchiesta hanno ottenuto il
Premio Pulitzer. Il film che li ha messi in scena, al giorno d'oggi ha
sbancato ben 9 premi, iniziando con l’Oscar per il miglior film, e ne
otterrà sicuramente degli altri, in particolare al prossimo Festival di
Cannes.La religione e il sesso sono due temi tabu, che si sa bene non hanno nulla a che vedere l’uno con l’altro. E ogni volta che si incontrano, si ottiene un risultato esplosivo.
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Spotlight oder die Macht des investigativen Journalismus
„Gott nein zu sagen fällt schwer“, erklärt das Opfer eines „pädophilen“ Priesters, in einem Interview durch eine Journalistin des Ermittlungsteams Spotlight des Boston Globe,
nach dem der Film von Tom Mc Carthy betitelt ist. Dieser kam am 27.
Januar dieses Jahres in den US-Kinos heraus und kann nun weltweit
gesehen werden.
Ein tadelloser Hollywoodfilm, der so wahrheitsgetreu wie möglich die langzeitige Recherche rekonstruiert,
die von diesen Journalisten über dieses so heikle Thema geführt wurde.
Es ging um den dreißigjährigen Schutz, den der Kardinal und Erzbischof
von Boston, Bernard Law den Priestern seiner Diözese gewährleistete, die
sich die sich des sexuellen Missbrauchs an Kindern schuldig gemacht
hatten. 2003 erhielten die Journalisten für ihre Recherchearbeit den
Pulitzerpreis. Der Film über sie hat schon 9 Preise gewonnen. Der erste
davon war der Oscar für den besten Film. Mit Sicherheit wird er noch
andere Preise gewinnen, vor allem beim kommenden Festival von Cannes.Es ist allgemein bekannt, dass Religion und Sexualität sind Tabuthemen und haben wie bekannt nichts miteinander zu tun. Und jedes Mal, wenn sie sich treffen, knallt es.
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Spotlight ou le pouvoir du journalisme d’investigation
“C’est très difficile de dire non à Dieu“, explique la victime d’un prêtre “pédophile” interviewée par une journaliste du Boston Globe faisant partie de l’équipe d’enquête Spotlight, qui donne son titre au film de Tom Mc Carthy sorti en salles ce 27 janvier 2016 aux USA et qu’on peut voir aux quatre coins de la Grande bleue.
Un impeccable film hollywoodien qui reconstitue le plus fidèlement possible l’enquête au long cours
menée par ces journalistes sur un sujet très sensible: la protection
offerte pendant une trentaine d’années par le cardinal-archevêque de
Boston, Bernard Law, aux prêtres de son diocèse auteurs d’abus sexuels
sur des enfants. Si les journalistes de Spotlight ont obtenu en
2003 le Prix Pulitzer pour leur enquête, le film les mettant en scène a
raflé 9 prix à ce jour, à commencer par l’Oscar du meilleur film, et en
décrochera sans doute d’autres, notamment au Festival de Cannes.
La religion et le sexe, deux thèmes tabous qui, c’est bien connu, n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Et chaque fois qu’ils se rencontrent, le résultat est explosif.
Le monde “civilisé”, qui est tellement choqué par la barbarie primitive du “Jihad alnnikah “ de “l'État islamique”, a beaucoup de mal à regarder en face ses propres turpitudes, comme par exemple ce qu’on appelle à tort les prêtres pédophiles. Pédophile veut dire "qui aime les enfants"; or, ces prêtres qui abusent d'enfants, garçons et:ou filles, allant des attouchements aux viols avec pénétration parfois suivis de meurtre, ne le font pas parce qu'ils aiment les enfants, mais uniquement parce qu'ils savent pouvoir profiter des plus faibles et vulnérables. Ces prédateurs sont des pédocriminels, point barre. SNAP, l’association de victimes d’abus commis par des prêtres, compte aujourd’hui plus de 12 000 membres dans 56 pays, ce qui donne une idée de l’ampleur du phénomène, qui n’a donc rien de marginal.
Tout comme l'État islamique qui manipule des jeunes Arabes démunis pour les recruter au Jihad, ces prêtres s’en prennent aux plus pauvres et marginalisés dans la société pour en tirer profit. “Quand on est pauvres à Boston la religion joue un rôle très important dans notre vie… Les prêtres repèrent les plus pauvres et les plus vulnérables comme victimes pour s’assurer qu’ils diront rien”.
Les révélations du Boston Globe à partir de janvier 2002 ont eu un véritable effet boule de neige et conduit à des révélations d’affaires similaires dans le monde entier, et pas seulement dans l'Église catholique, mais dans toutes les églises et, plus généralement, les organisations regroupant des enfants sous l’autorité d’adultes.
Comme le montre le scandale qui agite actuellement l'Église catholique de France, avec l’affaire du cardinal-évêque de Lyon Mgr. Barbarin, la haute hiérarchie s’est généralement comportée comme celle de Boston, en appliquant les règles de l’omertà, la loi du silence de la mafia sicilienne. Le Boston Globe a brisé cette loi et donné l’exemple.
La religion et le sexe, deux thèmes tabous qui, c’est bien connu, n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Et chaque fois qu’ils se rencontrent, le résultat est explosif.
Le monde “civilisé”, qui est tellement choqué par la barbarie primitive du “Jihad alnnikah “ de “l'État islamique”, a beaucoup de mal à regarder en face ses propres turpitudes, comme par exemple ce qu’on appelle à tort les prêtres pédophiles. Pédophile veut dire "qui aime les enfants"; or, ces prêtres qui abusent d'enfants, garçons et:ou filles, allant des attouchements aux viols avec pénétration parfois suivis de meurtre, ne le font pas parce qu'ils aiment les enfants, mais uniquement parce qu'ils savent pouvoir profiter des plus faibles et vulnérables. Ces prédateurs sont des pédocriminels, point barre. SNAP, l’association de victimes d’abus commis par des prêtres, compte aujourd’hui plus de 12 000 membres dans 56 pays, ce qui donne une idée de l’ampleur du phénomène, qui n’a donc rien de marginal.
Tout comme l'État islamique qui manipule des jeunes Arabes démunis pour les recruter au Jihad, ces prêtres s’en prennent aux plus pauvres et marginalisés dans la société pour en tirer profit. “Quand on est pauvres à Boston la religion joue un rôle très important dans notre vie… Les prêtres repèrent les plus pauvres et les plus vulnérables comme victimes pour s’assurer qu’ils diront rien”.
Les révélations du Boston Globe à partir de janvier 2002 ont eu un véritable effet boule de neige et conduit à des révélations d’affaires similaires dans le monde entier, et pas seulement dans l'Église catholique, mais dans toutes les églises et, plus généralement, les organisations regroupant des enfants sous l’autorité d’adultes.
Comme le montre le scandale qui agite actuellement l'Église catholique de France, avec l’affaire du cardinal-évêque de Lyon Mgr. Barbarin, la haute hiérarchie s’est généralement comportée comme celle de Boston, en appliquant les règles de l’omertà, la loi du silence de la mafia sicilienne. Le Boston Globe a brisé cette loi et donné l’exemple.
Une leçon de journalisme
Spotlight devrait entrer dans les programmes d’enseignement de
toutes les écoles de journalisme et formations aux médias citoyens.
Tout d’abord, les journalistes de Spotlight ne sont pas des
supermen ou superwomen, mais des Bostoniens ordinaires amateurs de
base-ball. Ensuite, ce sont des bosseurs et des bosseuses qui pratiquent
la journée de travail de 15 heures et ne fréquentent les cafés que pour
y rencontrer des témoins. Ils sont habités par un seul souci :
rechercher la vérité. Mais cela ne leur fait jamais oublier qu’ils
doivent veiller à la protection de leurs sources, à commencer par les
victimes qui acceptent de témoigner, et auxquelles ils manifestent une
empathie qui n’est pas feinte. Et ils savent être patients, prendre leur
temps et s’adapter aux temps de leurs sources. Ils sont conscients que
la publication prématurée de résultats partiels de l’enquête pourrait
ruiner les efforts pour découvrir toute l’étendue de l’affaire. Ainsi,
ce qui était au départ une enquête sur un prêtre criminel s’étend à 7,
puis 13, puis 90 prêtres dans le seul diocèse de Boston, qui ont fait
plus de 1 000 victimes.En publiant ses révélations, dans plus de 600 articles en un an, le Boston Globe a montré que la force de ce quatrième pouvoir que sont les médias peut venir d’autre chose que du scoop, du buzz, du scandale à tout prix, mais plutôt de la parole des plus faibles, des sans-voix et ce faisant, il a pu gagner une bataille contre ce deuxième pouvoir redoutable qu’est l'Église catholique à Boston, où les catholiques constituent pratiquement la moitié de la population. Mais cette bataille ne concerne pas que les catholiques.
Partout où les pauvres survivent dans l’ignorance, leurs enfants sont une proie de choix pour les prédateurs assoiffés de pouvoir qui abusent d’eux et les réduisent au silence au nom d’une entité supérieure, en général un Dieu. La leçon de Boston a donc une portée universelle.
Une version modifiée de cet article a été publiée sur le site Nawaat
lundi 21 mars 2016
Pourquoi on devrait toutes aimer Hédi
Grande nouvelle les filles. Le Tunisien nouveau est arrivé ! Il s’appelle Hédi. Pour le moment, ce n’est qu’un personnage imaginaire, incarné par le héros de Berlin, Majd Mastoura, mais…
Le cinéma, depuis qu’il existe, offre un miroir à la société. Parfois déformant, parfois grossissant, parfois rapetissant. Les œuvres géniales sont celles qui arrivent trop tôt, les médiocres sont celles qui arrivent trop tard, les œuvres d’art sont celles qui arrivent au bon moment. Nhebbek Hedi [ Je t’aime, Hédi], le film de Mohamed Ben Attia, est entre la première et la troisième catégorie. Le public tunisois de la première n’a pas eu l’air de beaucoup l’apprécier, certains se demandant si les prix raflés à la Berlinale étaient dus à la présence de touristes allemands dans le film. Outre sa stupidité, cette remarque permet de mettre le doigt là où le film fait mal.
jeudi 17 mars 2016
“Aziz Rouhou” : le désarroi d’une spectatrice
Narcisse voulait traiter à la fois de l’homosexualité, de la détresse conjugale, du divorce, de la violence et de la folie conjugale, de l’intégrisme religieux, de l’amour passionnel, de l’émancipation de la femme, de l’amour et de la crise du théâtre. C’est vrai que tout ça pourrait faire un beau tableau, mais vous ne pensez pas que c’est un peu trop pour un seul film ? Surtout avec un tel scénario ?
Sonia Chamkhi, un nom récurent dans le monde du cinéma. On pouvait s’attendre à un film digne de votre parcours, mais je suis ressortie de la salle de cinéma sans qu’aucune scène de votre film Aziz Rouhou (Narcisse) ne soit restée gravée dans ma tête. 90 minutes effacées.
lire la suite
Sonia Chamkhi, un nom récurent dans le monde du cinéma. On pouvait s’attendre à un film digne de votre parcours, mais je suis ressortie de la salle de cinéma sans qu’aucune scène de votre film Aziz Rouhou (Narcisse) ne soit restée gravée dans ma tête. 90 minutes effacées.
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mercredi 2 mars 2016
La vie des jeunes homosexuels en Tunisie : un enfer fait de violence sans fard et d’hypocrisie
par Rim Ben Fraj, 2/3/2016
Actualisation du 5/3/2106:
La cour d'Appel a confirmé la condamnation des six jeunes, mais l'a réduite de trois ans à un mois (le temps qu'ils ont passé en détention préventive), assorti de 400 dinars d'amende. Elle a annulé l'interdiction de séjour de 5 ans à Kairouan ainsi que la condamnation de l'un d'eux à six mois de prison pour attentat à la pudeur. La bataille judiciaire n'est pas finie. Prochaine étape : la Cour de Cassation.
Actualisation du 5/3/2106:
La cour d'Appel a confirmé la condamnation des six jeunes, mais l'a réduite de trois ans à un mois (le temps qu'ils ont passé en détention préventive), assorti de 400 dinars d'amende. Elle a annulé l'interdiction de séjour de 5 ans à Kairouan ainsi que la condamnation de l'un d'eux à six mois de prison pour attentat à la pudeur. La bataille judiciaire n'est pas finie. Prochaine étape : la Cour de Cassation.
Je
suis assez âgée pour avoir une idée de la répression contre les
dissidents sous la dictature de Ben Ali et après. Jusqu’ici je me
croyais bien informée. Mais ce que je suis en train de découvrir dépasse
tout ce que je pouvais imaginer. La réalité dans laquelle les jeunes
hommes homosexuels essayent de survivre est tout simplement effroyable.
Alors
que les jeunes dissidents soumis à la répression pouvaient et peuvent
compter sur le soutien société civile, de leur familles, et de leur
entourage, les jeunes miboun ou karyouka (deux des
innombrables termes péjoratifs pour designer les “ pédés “ en arabe
tunisien) sont presque tout seuls pour essayer de se défendre*.
Tout d’abord
ils risquent de lourdes peines de prison pour ce que le code pénal
appelle “sodomie”. Le sinistre article 230, l’un des plus courts et
ramassés du code pénal stipule: “la sodomie (entre adultes consentants)
est punie de 3 ans de prison”.
Comme il est
difficile de prendre les délinquants en flagrant délit, reste à prouver
ce dont on les accuse. La solution s’appelle “ test anal”, en d’autres
termes une forme universellement condamnée, dégoûtante et absurde de
torture, qui de fait n’apporte pas plus de preuves que les fameux tests
de virginité pour les femmes, Des médecins de la santé publique se
rendent complices de cette grave violation des droits humains. Les
jeunes hommes soumis à ce traitement commencent ainsi un long chemin de
croix qui ne peut se comparer qu’aux ordalies médiévales en Europe.
Fils: “Papa, j'ai entendu que, maintenant, les gays ont le droit de se marier aux USA. Mais qu'est-ce que ça veut dire, "gay"? “
Dessin d'Andeel, Égypte
Dessin d'Andeel, Égypte
mardi 9 février 2016
Chroniques d'une insoumise [2]
Chapitre 2
Chers (é)branlés,
On vit dans une société où la fierté des hommes c’est leur queue, où on entend le mot « zebbi » en moyenne une dizaine de fois par jour, ces
hommes « pleins de virilité » se permettent d’uriner en pleine rue pour le démontrer.
La règle : Lorsqu’on est harcelée par un homme, si on se défend on est traitée de pute, à la limite on se transforme en fille perverse qui provoque les hommes et les harcèle.
Lorsqu’un homme harcèle une femme et qu'elle réagit exactement avec les mêmes mots qu’il vient de prononcer, il se sent touché dans son honneur, le sang lui monte à la tête et il se permet de sortir toutes les merveilles misogynes de sa bouche et elle doit s’estimer chanceuse si elle n’a pas été agressée physiquement.
L'exception :
Je rentre avec ma sœur de 20 ans de Lafayette au
centre-ville vers 9 heures du soir, une bande de garçons dans une bagnole louée
commencent à nous emmerder au niveau de la rue de Marseille.
Dès qu’ils nous ont repérées ils ont ralenti :
Un garçon sort sa tête de la fenêtre et il commence à nous
appeler : psssssssssssssssssssssssssssssssst psssssssssssssssst.
Moi j’ai rapidement répondu : "C’est dépassé ça ! On
t’a pas appris des nouvelles manières ?"
Ils accélèrent et arrêtent la bagnole le long du trottoir
pour me répondre :
-« ya 5amja », sale pute
Fatoum se précipite
et elle rétorque :
-Maudit
Ils commencent tous à dire des gros mots, il y a un vieil
homme derrière nous et un jeune homme qui passe, j’ai tout de suite rebondi :
-Bravo les garçons vos parents seront fiers de vous.
Puis on ne les voit plus, ils sont disparus,; après 100
mètres Fatoum s'arrête pour acheter un Mlaoui, à ce moment les 5 réapparaissent,
à pieds, le même qui parlait de la fenêtre, qui avait à peine 20 ans, s’est
adressé à moi et il a levé son main pour me dire :
-Tu me dis pas des gros mots, tu comprends !!
Il m’a totalement étonnée parce que je n’avais prononcé
aucun gros mot ! J’ai tout de suite répliqué :
-Moi j’ai dit des gros mots ? Quand ça ??
Le garçon des mlaouis nous regardait, choqué. J’ai repris :
- Pour ton info, moi, je n’ai pas besoin de dire des gros
mots pour me défendre, et puis ces garçons nous poursuivent depuis tout à
l’heure !
Ses copains ont rebondi et ils ont commencé à nous crier
dessus :
-Vous êtes des mauvaises filles, vous dites des gros mots
J’ai répondu en criant :
-Tu te permets d’insulter ma mère et tu ne veux pas qu’on te
réponde ? Ta mère est plus précieuse que la mienne ou quoi ?
Le chauffeur a avancé et il avait l’intention de m’agresser
mais ses copains l’ont empêché de m’agresser, ils me disent de me calmer et que
ça se fait pas que je crie et que je réponde, mais lui, il a insisté et il s'est
mis à crier qu’ils allaient nous arracher par les cheveux et nous massacrer
pour nous punir. Là Fatoum a crié :
-Écoutez, vous venez d’ailleurs vous êtes dans mon quartier
je n’ai pas peur de vous, si vous essayez de me toucher ou que vous touchez ma
sœur, vous allez le regretter pour la vie, revenez là ou d’où vous venez, bande
de cons.
Un mec du quartier m’a demandé :
-Tu es sûre que tu vis ici ?
Et puisque j'étais sur les nerfs j’ai répliqué avec un ton fort :
-Mais bien sûr que je suis d’ici !
Il a hurlé :
-Pourquoi tu me réponds de cette manière, je voulais te
défendre mais va te faire voir!
Moi avec un ton déterminé :
-Tu m’aides pas je n’ai pas besoin de ton aide, si tu as
envie d’aider tu ne me poses pas des questions débiles déjà et puis on s’est
bien défendues.
Le mlaoui était prêt et les gens étaient stupéfaits de notre
attitude, on est parties en répétant : on n’a pas besoin de votre aide !
Des mecs s'exclamaient:
- Bravo, vous pensez que vous êtes braves comme ça.
- Vous n’avez pas besoin d’aide, hahahaha
- Quel courage, vous êtes tout simplement mal élevées.
Lorsque on est rentrées, on a tout raconté à notre mère, qui a dit : oui, c'est normal, vous rentrez à cette heure-ci...
Morale de l’histoire :
1-Ne ne pas sortir après la tombée de la nuit!
2-Ne jamais sortir sans homme!
3-Si vous sortez, déguisez-vous en Ninja, avec niqab
intégral et rasez les murs
4-Sortir quand et où vous voulez et répondre du tac au tac.
C'est risqué, mais ça paye.
jeudi 28 janvier 2016
Chroniques d’une insoumise [1]
Chapitre 1
Chers amis, amants, ex, sex-friends, et autres passés, futurs et en cours
الشرف يملكه الرجل، أما المرأة فلا شرف لها، هى
فقط الجسد أو المكان حيث يكون شرف الرجل، ولكن
كيف يتعلق شرف الرجل بجسد المرأة وليس بجسده هو؟
ولماذا يتعلق الشرف بالجسد فقط ولا يتعلق بالعقل؟
نوال السعداوي
Il y a deux genres de
filles : celles qui cèdent à leurs parents-copains-maris ou frères et qui
se spécialisent dans le mensonge et le compromis ; elles sont persuadées que ça
ne fonctionne pas autrement et que les hommes sont faits pour être les patrons
de leurs vies. Ces nanas essayent de vivre dans une paix illusoire en menant
une double vie.
Le deuxième genre, ce sont les
déchainées, rebelles et emmerdeuses : elles refusent de mener une vie de
schizophrènes, elles refusent de mentir ou céder à la main de fer patriarcale ;
elles ont choisi le chemin le plus difficile, armées de leur seule détermination,
elles font en permanence face à des situations compliqués, avec le risque
d’être agressées par leurs parents ou frères, quittées par leur copains et
enfin rejetées par la société misogyne.
Conversation entre deux
inconnus dans une BMW coincée rue de Palestine à l’heure de pointe, 18h:
-« J’ai 2 solutions ou bien la tuer et aller en prison
ou bien la tuer et aller en prison», crie le premier à son copain qui conduit
-Mais laisse tomber, c’est une pétasse (ق***), tout le monde a profité d’elle, ya khouya, tu mérites
mieux que ça, tu mérites une petite fraiche (نظيفة عفيفة)
digne de ta famille et de ton honneur !
1ère Conversation type:
-Allo chéri, je vais regarder un film /une pièce avec mes
copines
-J’ai peur pour toi, chérie, ne tarde surtout pas, tu sais
quoi je t’appellerai dans une heure pour que tu n’oublies pas et que tu rentres
Entretemps 15 appels en absence sur le téléphone en mode
silencieux au fond du sac
-Allô chéri, tu m’as appelé ….
-Mais pourquoi tu me répondais pas, tu faisais quoi alors,
tu es avec qui maintenant ?!!!!
-Le téléphone était en silencieux et puis je ne pouvais pas
répondre
-Tu pourrais au moins me texter
-Mais je regardais le putain de film !
A ce moment, un vieux copain passe : salut X., ça va !!
oui çavaaaaa !! mouaah ( bisous )
-Tu m’a pas encore répondu, dis donc, il y'a qui avec toi? tu
m’as menti, tu es avec ton autre bien-aimé alors?! (صاحبك الاخر)
-Mais je viens de sortir et j'ai croisé Y.
-Bon bon, tu vas rentrer tout de suite là ?
-Justement on pensait aller boire un café et discuter du
film
-Ah nooooon, j’aime pas quand on me ment, tu es déjà au café
tu m’as pas avisé !!
-Tin tin tin
2ème conversation type:
-Tu comptes faire quoi cet après-midi, chérie
- J’ai un RDV avec XX. pour le projet ZZ.
-Chérie, je ne veux pas que tu restes toute seule avec lui,
mais est-ce que tes parents et ton frère le savent, que tu vas chez un vieux
qui vit seul, avec ta copine et ta copine, c'est normal ? Elle n’as pas des
parents, elle aussi ?
-Oui mais elle, elle travaille avec lui depuis longtemps et
puis dans le même appart il y a le bureau et le domicile.
- Écoute, ça ne se fait pas que 2 filles aillent chez un
homme seul et étranger en plus, ça se fait pas du tout.
3ème conversation type:
-Chéri, je vais sortir avec mes collègues de travail et des
vieux copains pour boire un coup je te rappelle plus tard, bisous.
-Ah non, ce n’est pas possible, tu ne bois qu’avec moi,
c’est clair ? Et ça se voit que t’as programmé ça depuis longtemps pour être
seule avec tes amants.
-Mais c’est juste un apéro, je ne vais pas me saouler
puisque je rentre après chez mes parents.
-Je sais que tu ne te contrôle plus quand tu es alcoolisée,
chérie, tu deviens ouverte à toute proposition, j’te connais moi, ils vont profiter de toi.
4éme conversation type:
-Papa je vais tarder ce soir
-Ah bon ! Pourquoi ?
- On va fêter la remise du rapport
- Mais où et avec qui et jusqu’à quand ?
- Mais Papa avec mes collègues de travail notre patron,
toute l’équipe quoi !
-J’veux pas que tu rentres le soir tard, les voisins vont te
prendre pour une belly dancer (راقصة)!!! On a
des voisins, il faut qu’on se respecte,
ma fille, tu le sais ça !
Toutes les femmes citées ont passé les trente ans...
Les nanas se trouvent donc obligées de faire avec et de
supporter les coups de fil répétitifs, de répondre aux questionnaires interminables
et expliquer, ré expliquer que c’est rien, et que ce mec est juste un vieil ami,
que l’autre est juste un collègue. D’autres nanas, par contre, ne réussissent
pas à le faire vu qu’elles ne sont pas dans la logique du compromis.
Des mecs qui se comportent de cette manière ont des sérieux problèmes
de confiance en soi, ce qui les rend incapable de faire confiance à leurs
copines.
Il est tout à fait normal de s’attendre de ce genre de
comportement vu qu’on est dans une société patriarcale bien qu’on prétende être
moderne mais à l‘intérieur de chaque homme « zâama » libéré on trouve
un barbu qui se permet de boire avec sa copine mais qui ne peut pas se
permettre d'accepter que sa copine boive un coup avec qui que ce soit d'autre sous
le prétexte qu’elle ne se contrôle plus lorsqu'elle boit de l’alcool.
Cette soif de contrôle sur les femmes est le résultat de
leur incapacité totale à contrôler la situation actuelle, que ce soit la
situation générale ou la leur propre : ils se sentent donc obligés de cherche le
noyau le plus faible (nous les filles-femmes, les femmes-filles) de la société,
qui est en train de s’épanouir en matière d’éducation de culture et de pouvoir,
et de faire de nous des handicapées lourdes, à coups de comportements
misogynes. Pour notre malheur, et pour le leur, aussi.
mardi 26 janvier 2016
Tunisia, January 2016: a people under house arrest
By Rim Ben Fraj, 22/1/2016. Translated by Jenny Bright, edited by Fausto Giudice, Tlaxcala
I was not yet born in January 1984*. They didn't
tell us about it in school. But fortunately our Father of the Nation
wanted to give us a history lesson by making us relive the days of
January 84 when hundreds of citizens were killed by the same forces of
disorder which for five days had spread, shooting and bludgeoning around
the deep, forgotten country. He chose - or it was chosen for him - the
same office, to speak tonight to the people, as that from which the
Supreme Fighter** had addressed his unruly children.
Read more Tunisia, gennaio 2016: un popolo agli arresti domiciliari
di
Rim Ben Fraj, 22/1/2016. Tradotto da Milena Rampoldi, editato da Fausto Giudice, Tlaxcala
Nel gennaio del
1984* non ero ancora nata. E a scuola nessuno ce ne aveva parlato. Ma
fortunatamente il “padre della nazione” ci ha impartito una lezione di
storia, facendo rivivere i giorni del gennaio del 84, quando le forze di
insicurezza hanno massacrato centinaia di cittadini. E si tratta delle
stesse forze di insicurezza che da una settimana, nel profondo del paese
dimenticato, sparano sulla folla e la picchiano con i manganelli. Per
il suo discorso il presidente ha scelto esattamente lo stesso ufficio – o
forse lo hanno scelto per lui – per rivolgersi al popolo venerdì sera
che a sua tempo aveva scelto il “Combattente supremo” [Mudjahid Al
Akhbar, come si chiamava ufficialmente il despota Habib Bourguiba] per
rivolgersi al popolo con un discorso*.
Tunesien, Januar 2016: ein Volk unter Hausarrest
von Rim Ben Fraj, 22/1/2016. Übersetzt von Milena Rampoldi, herausgegeben von Fausto Giudice, Tlaxcala
Im Januar 1984* war ich noch nicht geboren. Und
in der Schule hat man uns nichts davon erzählt. Aber glücklicherweise
hat uns der „Vater der Nation“ einen Geschichtsunterricht erteilt, indem
er die Tage vom Januar 84 aufleben ließ, an denen Hunderte von Bürgern
durch dieselben Unsicherheitskräfte niedergemetzelt wurden, die seit
einer Woche in allen Ecken des in Vergessenheit geratenen, tiefen Teils
des Landes schießen und mit Knüppeln um sich schlagen. Er hat für seine
Ansprache genau dasselbe Büro gewählt – oder vielleicht hat man es für
ihn ausgesucht – um sich am Freitagabend ans Volk zu wenden, aus welchem
sich damals der „größte Kämpfer“ (Mudschahid Al Akhbar, wie der Despot
Bourguiba offiziell genannt wurde) an seine unruhigen Kinder gewandt
hatte*.
lundi 25 janvier 2016
Túnez, enero de 2016: un pueblo bajo arresto domiciliario
por
Rim Ben Fraj, 22/1/2016
Traducido por María Piedad Ossaba, Tlaxcala
En
enero de 1984* aún yo no había nacido. En la escuela no nos dijeron
nada sobre ese periodo. Pero por suerte nuestro Padre de la Nación
quiso darnos una lección de historia haciéndonos revivir las jornadas de
enero del 84 donde cientos de ciudadanos fueron masacrados por las
mismas fuerzas del desorden que, desde hace una semana, disparan y
aporrean en los cuatro rincones del país profundo, del país olvidado.
Escogió - o se le escogió - la misma oficina, para dirigirse esta noche
al pueblo, desde la que el Luchador Supremo** se había dirigido a sus
ingobernables hijos.
Ahora, Habib Bourguiba se reencarnó en la piel de Béji Caïd Essghrir ("El
Pequeño", como Víctor Hugo había apodado a Napoleón III "Napoleón El
pequeño", en relación a su tío Napoleón I) tratando de revivir un poco
del carisma de su jefe desaparecido. Lamentablemente es incapaz de
convencer. Aún peor, por la edad (89 años), nuestro dinosaurio ya no es
capaz de recordar las frases que pronunció unos instantes antes.
Resultado: un discurso vacío, repetitivo, balbuceando mentiras e
historias internas del partido, de las que el pobre pueblo amenazado
cada noche en los platós de TV por tombos*** politiqueros y politiqueros
tombos que se presentan como sus salvadores contra el terrorismo, le
importa un bledo. Todos dicen que no han querido utilizar la fuerza
hasta ahora pero que estarán obligados a hacerlo si "esto" continua.
Esto, es la intifada para TRABAJO JUSTICIA y DIGNIDAD, que comenzó en
Kasserine el 17 de enero.
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vendredi 22 janvier 2016
Tunisie, janvier 2016 : un peuple assigné à résidence
Je n'étais pas née en janvier 1984. On ne nous en a pas
parlé à l'école. Mais heureusement notre Père de la Nation a voulu nous donner
une leçon d'histoire en nous faisant revivre les journées de janvier 84 où des
centaines de citoyens furent massacrés par les mêmes forces du désordre qui,
depuis 5 jours, tirent et matraquent aux quatre coins du pays profond, du pays
oublié. Il a en effet choisi - ou on a choisi pour lui - le même bureau, pour
s'adresser ce soir au peuple, que celui à partir duquel le Combattant Suprême
s'était adressé à ses enfants turbulents.
Désormais, Habib Bourguiba s’est
réincarné dans la peau de Béji Caïd Essghrir (comme Victor Hugo avait
surnommé Napoléon III "Napoléon Le Petit", par rapport à son oncle
Napoléon Ier) en essayant de ressusciter un peu du charisme de son chef
disparu. Malheureusement il est incapable de convaincre. Encore pire, à cause
de l’âge (89 ans), notre dinosaure n’est plus capable se souvenir des phrases
qu'il a prononcées quelques instants plus tôt.
Résultat : un discours vide, répétitif, bafouillant des mensonges et des
histoires internes du parti, dont le pauvre peuple, menacé chaque soir sur les
plateaux de télé par des flics politicards et des politicards flics qui se présentent comme ses sauveurs contre le
terrorisme, se fout complètement. Ils disent tous qu'ils n'ont pas voulu
utiliser la force jusqu’à maintenant mais qu'ils seront obligés de le faire si
"ça" continue. Ça, c'est l'intifada TRAVAIL JUSTICE DIGNITÉ, qui a
commencé à Kasserine il y a 5 jours.
Assignés à résidence par un couvre-feu de 20h à 5heures,
nous voilà condamnés à zapper : on a le choix entre Borhène Bsaies, Mariem
Belkadhi et Mohamed Booughalleb, les trois manipulateurs-en-chef. Ils sont là,
sur les plateaux, pour appuyer et
justifier tous le discours des flics invités, et en rajoutent, nous ressortant
la fameuse " main invisible" qui tire les ficelles des révoltes,
menaçant la stabilité (?) et la prospérité (?) du pays. Et voilà les chômeurs, diplômés ou non, transformés en marionnettes diaboliques, en petits chitanes, qu'il faut écraser. C'est tellement gros
qu'on se demande s'ils sont aussi cons que ça, en nous prenant pour des cons.
Nous connaissons ces discours par cœur, depuis l’ère de Ben
Ali durant les premiers souffles de la révolution tunisienne et partout dans le
monde, chaque fois que les gens se soulèvent contre l’injustice.
Nous sommes un peuple assigné à résidence : non seulement,
la grande majorité d'entre nous ne peuvent pas sortir du pays, mais encore nous
ne pouvons même plus sortir de nos domiciles, condamnés à avaler la propagande
des télévisions couvreuses de feu. Et à regarder dans nos frigos, que nous
n'avons pas volés, s'il reste quelque chose à manger.
Qui pillait les magasins en janvier 2011 ? Un petit rappel pour les amnésiques
Libellés :
Béji Caied Sebsi,
Borhène Bsaies Mariem Belkadhi,
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janvier 2016,
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Mohamed Booughalleb,
Plateaux Télévisés,
TUNISIE
samedi 16 janvier 2016
As I open my eyes: a film against amnesia and nostalgia
You may shoot me with your words,
You may cut me with your eyes,
You may kill me with your hatefulness,
But still, like air, I’ll rise.
Maya Angelou, I'll rise
Translated from French into English by Jenny Bright, Tlaxcala
On these days of the fifth anniversary of the flight of General Ben Ali, the only event worth mentioning, before the flare-up of youth in the "other Tunisia" started on Jannuary 17th, was the Tunisian premiere of Leyla Bouzid's first feature film As I open my eyes, screened in the capital and major cities of the country from January 13th, 2016.
For
her first feature film, the 31 year old director achieved a master stroke,
worthy of awards in the last Carthage Film Festival and a series of festivals.
The title of the film, As I open my eyes (Ala halet aini), is that of its
title song*, sung by the protagonist Baya Medhaffar, Farah in the film.
We
are in the summer of 2010, pending the results of the Baccalaureate exam which
Farah, 18 years old, will pass with distinction. Her mother wants her to study
medicine. Farah is not on the same planet: music is her
thing, and she practices
with the group Joujma, whose leader Borhène is her first love.
The
group plays in the bars of Tunis and its suburbs, where beer drinkers
appreciate their mezzoued rock and subversive lyrics. Hayet, the mother, played by singer and graphic
designer Ghalia Ben Ali in her first major screen role, does not agree with the
path taken by Farah, which causes in her a justified anxiety.
Subsequent
events prove she had a reason to worry, but she will eventually follow the path
of her daughter in what the director calls a "reverse transmission".
jeudi 14 janvier 2016
À peine j’ouvre les yeux : un film contre l’amnésie et la nostalgie
You may shoot me with your words,
You may cut me with your eyes,
You may kill me with your
hatefulness,
But still, like air, I’ll rise.
Maya
Angelou, I'll rise
En ces jours de 5ème anniversaire de la fuite du général Ben Ali, le seul événement digne d’être mentionné, avant l'explosion de colère de la jeunesse de "l'autre Tunisie" à partir du 17 janvier, était la première tunisienne du premier long métrage de Leyla Bouzid À peine j’ouvre les yeux, projeté dans la capitale et les principales villes du pays depuis le 13 janvier 2016.
Pour
son premier long métrage, la jeune réalisatrice 31 ans a réalisé un coup de
maître, digne des récompenses décernées
lors des dernières Journées cinématographiques de Carthage et dans une série de
festivals. Le titre du film, À peine
j’ouvre les yeux (Ala halet aini), est celui de sa chanson phare*, chanté
par la protagoniste Baya Medhaffar, Farah dans le film.
Nous
sommes dans l’été 2010, dans l’attente des résultats du Bac Farah, 18 ans va
l’obtenir avec mention. Sa mère veut quelle étudie la médecine. Farah n’est pas
sur la même planète : elle, son truc, c’est la musique qu'elle pratique au
sein du groupe Joujma, dont le leader Borhène est son premier amour.
Le
groupe se produit dans des bars de Tunis et banlieue, ou les buveurs de bière
apprécient son rock mezzoued aux textes subversifs. Hayet, la maman,
interprétée par la chanteuse et graphiste Ghalia Ben Ali dans son premier grand
rôle à l’écran, n’est pas d’accord avec le chemin emprunté par Farah, qui
provoque en elle une angoisse justifiée.
La
suite des événements donnera raison à son inquiétude, mais elle finira par
suivre la voie tracée par sa fille dans ce que la réalisatrice appelle une
« transmission inversée ».
5
ans après la fuite honteuse du dictateur la société tunisienne se trouve dans
la situation de toutes les sociétés « post-totalitaires » :
« Le vieux se meurt, le neuf n’arrive pas à naître » (Antonio Gramsci).
L’essentiel des raisons de la révolte est toujours là mais maintenant on peut
un peu plus facilement parler, créer, réfléchir.
Leyla
Bouzid a mis 4 ans pour réaliser son film, prenant le temps d’en fignoler tout
les aspects. Et c’est une réussite, tant
du point de vue du scénario, des dialogues, des cadrages, de l’éclairage que de
la bande son, si importante dans un film centré sur un groupe musical.
Comme
toute société post-totalitaire la société tunisienne navigue entre deux
écueils : l’amnésie et la nostalgie, tous deux étroitement liés. C'est le
rôle des artistes, notamment des cinéastes, de servir de poissons-pilotes dans
cette navigation, pour renvoyer à leur société une image à distance/rapprochée
qui déclenchera des émotions et une réflexion.. Par une approche décidément
féminine de la corporéité, le film de Leyla Bouzid est sans doute le premier
dans le monde arabe d’après le "Printemps" à donner a voir d'une
manière à la fois si directe et si subtile l’enjeu fondamental des révolutions
en cours : le contrôle des corps, en premier lieu celui des femmes. Les
régimes despotiques ne peuvent se contenter de contrôler les esprits, ils
doivent aussi contrôler les corps dans toutes leurs dimensions et expressions.
Dans
la Tunisie de Ben Ali et d'après, les murs n’ont pas seulement des oreilles
mais aussi des yeux. Une scène d’anthologie du film est celle ou Hayet, à la
recherche de sa fille, entre dans un bar d’hommes. Les regards des clients la déshabillent
dans un silence menaçant comme s'ils voyaient un être féminin pour la première
fois de leur vie.
La
révolution dans laquelle Farah entraine sa mère et leur bonne noire délurée du
sud –personnage quasi obligatoire de tout film arabe mais ici revisité d’une
manière révolutionnaire- est une révolution biopolitique, au sens
étymologique : elle veut vivre. Ni survivre ni sous-vivre. Elle refuse
spontanément, sans même y réfléchir, les compromis acceptés par sa mère et son
père pour surnager dans l’étouffoir du 7 novembre. Elle le paiera d'une nuit
d'interrogatoires policiers constituant une autre scène très forte du film, au
cadrage très serré, qui en dit beaucoup plus que bien des rapports d'Amnesty
International sur ce régime en voie de disparition.
Farah,
Borhène, Inès et leurs amis sont emblématiques de toute une génération qui
poursuit son chemin. Leurs esprits ont commencé à se libérer, il leur reste à
libérer leurs corps et ceux de leurs parents.
À PEINE J'OUVRE LES YEUX
Tunisie, 2015, 102 mn.
Réalisation Leyla Bouzid
Tunisie, 2015, 102 mn.
Réalisation Leyla Bouzid
Scénario Leyla Bouzid et Marie-Sophie Chambon
Musique originale Khyam Allami
Paroles Ghassen Amami
Image Sébastien Goepfert
Montage Lilian Corbeille
Son Ludovic Van Pachterbeke
Fiche artistique
Farah Baya MEDHAFFAR
Hayet Ghalia BENALI
Borhène Montassar AYARI
Ali Aymen OMRANI
Mahmoud Lassaad JAMOUSSI
Inès Deena ABDELWAHED
Ska Youssef SOLTANA
Sami Marwen SOLTANA
Farah Baya MEDHAFFAR
Hayet Ghalia BENALI
Borhène Montassar AYARI
Ali Aymen OMRANI
Mahmoud Lassaad JAMOUSSI
Inès Deena ABDELWAHED
Ska Youssef SOLTANA
Sami Marwen SOLTANA
*À PEINE J'OUVRE LES YEUX
(Texte de Ghassen Amami)
Quand je vois ce monde
de portes fermées,
je m'enivre et ferme les yeux.
Alors à chaque fois,
une fille m'apparaît.
Parfois, elle semble être la même,
finalement, c'en est une autre.
Dans mon esprit,
son image est mouvante :
Un œil fleuri et un autre fané,
bleus ciel,
qui virent au vert à la lumière,
noirs, noisettes, colériques,
rayonnants, souriants…
A peine j'ouvre les yeux,
je vois les gens privés
de travail, de bouffe,
et d'une vie hors de leur quartier.
Méprisés, dépités,
dans la merde jusqu'au cou,
ils respirent par leurs semelles.
A peine j'ouvre les yeux,
je vois des gens qui s'exilent,
traversant l'immensité de la mer,
en pèlerinage vers la mort.
De la galère du pays,
les têtes perdent l'esprit,
cherchant une galère nouvelle,
que celles déjà vues.
A peine j'ouvre les yeux,
je vois des gens éteints,
coincés dans la sueur,
leurs larmes sont salées,
leur sang est volé
et leurs rêves délavés.
Sur leur dos,
on construit des châteaux.
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